Le roman débute donc en 632 après Notre Ford. 22On trouverait ainsi dans l’ensemble constitué par Parking suivi de Comment Parking et pourquoi que François Bon publie en 1996 aux éditions de Minuit, l’exemple d’une fictionnalisation dramatique et textuelle d’un fait divers suivi d’une réflexion sur les procédés de cette appropriation. 13C’est dire aussi que la parole singulière ne profère aucune « vérité » de l’événement ni du sujet : elle n’en produit que les failles et les tensions – et ne les résorbe jamais. Il traite également des contraintes sociales et morales d'une époque. Sortie : 2004. 6Dans son introduction au numéro de la revue Romantisme consacré aux faits divers dans la littérature, Philippe Hamon insiste sur la « potentialité romanesque du fait divers » pour le XIXe siècle2. Noté /5. La littérature montre ainsi que l’effet collectif suscité par le fait divers n’est que de surface ; que la réception sociale du fait divers ne fonde que très imparfaitement une communauté et qu’elle renvoie bien plus sûrement chacun à sa solitude et à ses interrogations intimes. Ils sont en outre des procédés de deshistoricisation. J'ai peut-être loupé 90% du 20ème siècle. Mais, et tout le paradoxe est là, c’est aussi le siècle de toutes les interrogations sur le genre : son statut, ses enjeux, son rôle, sa puissance. La fonction narrative n’est plus seulement une « fonction » mais devient le lieu même du questionnement, non seulement le lieu à partir de quoi le questionnement procède, mais aussi bien souvent celui sur lequel il s’exerce. Une structure semblable caractérise Un fait divers à cette différence près, déjà notée et décisive, que les monologues parallèles se substituent au dialogue. Prerequisite: FREN 358 or other 3rd Year French Literature courses and professor approval. 32Pour en revenir à l’épaississement de la fonction narrative, force est de constater qu’elle est paradoxale aux deux sens du terme : car le narrateur ne recouvre pas de son savoir et de sa maîtrise les récits et discours qu’il propose : plus il est là, moins il est sûr. Fiction/Non fiction XXI. Les domaines abordés ne paraissent désormais plus passibles de représentation simple. 33Il est rare, dans les anciennes fictionnalisations de faits divers et de procès, que l’on rencontre de telles marques de perturbation. Les auteurs que nous avons retenus pour cette présentation Aussi y va-t-il d’une double posture critique : envers le fond comme envers la forme. 25Les fictionnalisations « traditionnelles » des faits divers tendent généralement soit à effacer le narrateur dans l’omniscience narrative (Flaubert) soit à n’en faire que le support de l’énonciation (nouvelle « cadre » de Maupassant). (Eds.) 1 Un inventaire des pratiques majeures de la littérature contemporaine montre en effet qu’il est aujourd’hui assez peu de littérature française qui se maintienne « au-delà du soupçon », selon la formule employée par Marc Chénétier pour définir la littérature américaine (Marc CHÉNÉTIER, Au-delà du soupçon, La Nouvelle Fiction américaine de 1960 à nos jours, Seuil, 1989) ; voir Braudeau, Proguidis, Saigas, Viart, Le Roman français contemporain, ADPF, 2002. cit., p. 11. Mariage mixte, Prison, Le Procès de Jean-Marie Le Pen…. Il faut attendre. 12La plupart de ces textes sont passibles d’une lecture active, aux confins de la psychanalyse et de la linguistique pragmatique, où implicites et non-dits prendraient toute leur place. L’Éclatement des genres au XXe siècle, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2001. La question dès lors est bien de réception – et non plus seulement de réflexion, comme c’était encore le cas dans les textes de Gide, si aigus et novateurs, qui interrogent la fonction et le fonctionnement de la Justice, et montrent la façon dont elle cherche surtout à se légitimer comme telle dans ses décisions plutôt qu’à trancher d’abord sur le cas proprement dit. 13 Jean BAUDRILLARD, La Société de consommation, Denoël, 1970. Il me semble que le XXIe introduit une nouvelle formule romanesque qu’il serait intéressant d’étudier de manière comparative à la lumière de ces deux essais. Cette volonté de ne pas adhérer au personnage, de n’en endosser le masque que sous la forme critique et de retourner sur soi l’effet de ce masque participe d’une démarche brechtienne. Liste de 120 livres par Louis Rafaï. 19La réception sociale est bien traitée par Viol de Sallenave : l’enquêtrice est cette voix de la collectivité – à laquelle il convient de ne pas identifier l’auteur – partagée entre scandale et tentative de compréhension, dont la gêne est parfois palpable, mais qui échoue à remettre en question sa propre grille d’analyse constituée a priori. On prend le détour, on revient, et la spirale recommence. Ces choix d’écriture tendent à souligner que le réel n’existe pas en dehors de la perception, de la pensée, des affects…. Ce pourquoi je propose d’inscrire de telles fictions parmi ce que j’ai appelé fictions critiques et que l’on peut définir comme des textes qui associent la fiction comme procédé d’élucidation d’un objet donné (le réel, le sujet, l’Histoire, la mémoire…. Et dans ces monologues, l’« homme » essaie de comprendre et d’exhiber cette inaccessible intimité psychique : « s’ouvrir enfin le crâne pour qu’un autre connaisse la vérité de soi-même5 ». 28 Le Roberto Zucco de Koltès demeure en effet fasciné par la dimension mythique du personnage éponyme. Le procès subi par François Bon pour Prison est à cet égard assez éloquent26. alors qu’au contraire Un fait divers, Prison, Mariage mixte, L’Adversaire signalent le fait divers comme tel, notamment à travers les comptes rendus médiatiques auxquels il donne lieu et dont d’importants fragments sont explicitement cités dans les romans. Dans la cour de justice, à Nice, sur mon écran de télévision, face au lit où je me morfondais, il continuait de montrer son sourire bizarre21 ». Jeunesse et 30Il me semble que ce phénomène, qui replie sur le sujet lui-même les questions suscitées par l’itinéraire d’un autre (Marc Weitzmann voit dans son livre sur Turquin la « fiction inachevée de [sa]propre identité23 »), se relie à l’actuelle dilution de la limite entre « l’un » et « l’autre », notamment dans ces biographies fictives si nombreuses24. C’est aussi, comme dans le cas de Kantor, toujours présent à l’angle gauche de la scène, assis sur une chaise, pendant les représentations de ses pièces, à la fois en assumer la responsabilité face au public et dire que ce qui se joue sur la scène n’est pas la représentation d’un réel avéré, mais bien la scénographie mentale à laquelle il donne lieu – de même que la bande dessinée représente dans un phylactère ce que le personnage dont on voit le portrait a dans la tête. Or je ne peux pas. Celui, par exemple, de l’inspecteur qui réfléchit au « vocabulaire qu’on a à reconstruire et qui ne nous est pas plus agréable qu’aux autres10 » ; ou encore celui de l’avocat : « Nos métiers de parole ne valent qu’éprouvés dans une expérience plus large, qui n’est pas celle des mots et où le renouvellement du monde se joue dans des lois brutes, et cela aussi l’homme de parole peut le partager implicitement avec ceux qu’il défend, nés de ces lois brutes » (ibid., p. 147). J’ai donc décidé de mettre de côté ce travail qui n’est pas mûr27. Roman et De même le metteur en scène déclare : « J’ai formé mon corps à ces théâtres venus de Pologne » derrière lesquels on peut assez aisément identifier le travail de Tadeusz Kantor et du Théâtre Cricot. Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque/établissement d’acquérir un ou plusieurs livres publié(s) sur OpenEdition Books.N'hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées :OpenEdition - Service Freemiumaccess@openedition.org22 rue John Maynard Keynes Bat. 3À cet héritage du soupçon s’ajoute la défection envers tous les systèmes d’explication globale du monde : les « grands récits » de la religion, de l’idéologie, de l’Histoire. Et trois Français seulement ont réussi à se faire une place dans la sélection. À cet égard, on peut effectivement considérer que ces livres mettent « la fiction en procès » dans la mesure où ils en changent la nature, où ils en interrogent la légitimité et le processus en même temps qu’ils démasquent les « fictions » à l’œuvre dans le corps social. 20Dans le livre de François Bon, les acteurs réfléchissent à leur propre pratique : « Je n’étais plus dans mon rôle même, celui qui exerce sur les autres haine, jalousie et violence dans une impasse promise, mais bien l’acteur, celui qui joue de tout ça le rôle16 ». Qui se contentent de mentions (de Marcel Proust à Simone de Beauvoir) ou poussent jusqu’à la réflexion argumentée (André Gide, Souvenirs de la Cour d’Assises ; Ne Jugez Pas ; L’Affaire Redureau, La Séquestrée de Poitiers….). On sait que les États-Unis se sont fait une spécialité de telles exploitations, au point parfois d’offrir d’importants émoluments aux criminels qui accepteront que leur histoire soit portée à l’écran (droits d’exploitation qui permettent souvent aux accusés de payer leurs avocats). ; et BLANCKEMAN, Bruno (dir.). 27 E. CARRÈRE, L’Adversaire, op. 18 Sur cette notion, voir : D. VIART, « Les fictions critiques de Pierre Michon » dans Agnès CASTIGLIONE (dir. 17Selon Pierre Bourdieu, cette propriété du fait divers de tenir l’avant-scène des échanges sociaux et de faire la une des media témoigne de la fonction de « diversion » exploitée par les instances sociales qui cherchent à éviter toute véritable interrogation : « Les faits divers, ce sont des faits qui font : diversion » déclare le sociologue en jouant sur les mots, des faits « qui sont sans enjeux, qui ne divisent pas, qui font le consensus, qui intéressent tout le monde mais sur un mode tel qu’ils ne touchent à rien d’important12 ». 29Car le narrateur est incarné dans ces textes. Cette mutation se caractérise, comme j’ai eu l’occasion de le montrer ailleurs, par le retour à une littérature transitive. 16Michel Maffesoli appelle « agrégation tribale11 » le phénomène de communication qui s’agence spontanément autour d’un fait divers : le corps social s’en empare, il en nourrit ses conversations de salons, de marchés et de comptoirs. Il prend parfois la figure d’un personnage (Sallenave, Bon), mais le plus souvent la figure de l’auteur lui-même (Bon, Carrère), fût-ce avec ambiguïté (Weitzmann, orfèvre en la matière, comme il l’a déjà montré dans son précédent roman Chaos, exercice limite et provocant du genre « autofictif » apparemment voué à la critique de cette forme littéraire qu’il condamne violemment22 mais qu’il pratique à nouveau d’une certaine façon dans Mariage Mixte). Jeunesse et Le détail des malversations financières de Romand, la façon dont au fil des ans s’était mise en place sa double vie, le rôle qu’y avait tenu tel ou tel, tout cela, que j’apprendrais en temps utile ne m’apprendrait pas ce que je voulais vraiment savoir : ce qui se passait dans sa tête durant ces journées qu’il était supposé passer au bureau3. Ils procèdent plutôt par fragments de narration enchâssés dans d’autres modalités textuelles, et par approches diffractées, non linéaires, de la matière du récit. siècle. ), critiques envers eux-mêmes et envers les processus fictionnels comme envers les discours constitués avec lesquels ils entrent en dialogue18. Même Carrère, familier de l’étrange (La Moustache) et de l’inquiétant (La Classe de neige), spécialiste fasciné de l’œuvre de Philip K. Dick, traquant chez Romand les griffes de l’« Adversaire30 », cherche d’abord et surtout comment cette affaire fait craquer le glacis des relations sociales, familiales, amicales, religieuses…. 15On notera toutefois une différence par rapport à ce modèle latent : les intervenants du livre de François Bon n’interviennent pas vraiment sur le fait divers lui-même mais sur ce que ce fait divers interroge et déplace en eux et dans leur pratique professionnelle. Par auteurs, Par personnes citées, Par mots clés. Français. histoire et