logo_puce Paule Marrot (1902 - 1987) , une artiste au service de la Dauphine

Quel est le point commun entre la teinte de carrosserie de votre Dauphine, les tissus des sièges et le médaillon de capot ? Il s'agit d'une femme : Madame Paule Marrot, artiste peintre et décoratrice. Nous allons vous compter son histoire au sein de la Régie Renault.

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En 1950, le président de Général Motors visitant l'usine Renault et se promenant le long des lignes de montage s'interrogea sur les teintes de carrosserie tristes des Renault. Il faut dire que le noir ou le gris étaient les couleurs les plus en vues à l'époque. D'autre part, un sondage commandé par le service clientèle révélait que si les femmes s'interrogeaient peu sur le choix de telle ou telle voiture, elles ne se privaient pas de donner leur avis sur les teintes de carrosserie et les garnitures intérieures lors d'un nouvel achat. Jusque-là, la direction des études ne s'était que peu intéressée aux aménagements intérieurs et à la présentation extérieure des Renault. Pierre Lefaucheux, en homme avisé, décida donc d'une nouvelle organisation dans ce domaine. Il fut bien aidé en cela par une lettre, qu'il avait reçue de Paule Marrot, qui s'affligeait de ne voir défiler dans Paris que des voitures uniformément tristes, se demandant si un artiste ne pouvait rechercher des couleurs de carrosserie plus gaies et fraîches.

Madame Marrot n'était pas une illustre inconnue du Paris de l'époque. Elle professait à l'école des Arts Décoratifs, dessinait des tissus d'ameublement dans son atelier de Montmartre, dirigeait son magasin rue de l'Arcade et avait reçu le prix Blumenthal en 1928. Convaincu et comprenant la valeur de cette artiste, Pierre Lefaucheux la présenta immédiatement aux techniciens et aux dessinateurs du bureau d'étude. Il fût décidé de déménager ce bureau au centre technique de Rueil, et de créer un groupe de travail qui proposerait de nouvelles teintes de carrosserie et de nouveaux intérieurs. Ce groupe de travail, composé de 5 personnes dont 2 femmes, se réunissait tous les lundis matin (Mesdames Marrot et Leroy, Messieurs Cuinet, Caron et Barthaud). Bien entendu, Paule Marrot fit un apprentissage du métier de carrosserie : une teinte sur un tableau ne donne pas toujours un effet satisfaisant sur une automobile. Il s'agit de trouver la teinte originale, pas trop crue, ni trop lourde, un ton léger, transparent. Et comme le laboratoire d'essai s'était équipé d'appareils permettant de mesurer la résistance des tissus à l'usure, celle de la peinture aux agents atmosphériques (gel, soleil, humidité, ...) de nombreux paramètres jusque là inconnus à cette artiste durent être acquis.

Installée dans sa pièce aux couleurs (voir photo ci dessus), travaillant d'abord sur un carton, Paule Marrot s'adressait ensuite aux chimistes et coloristes afin de trouver la teinte uniforme recherchée, le tout après de très nombreux essais. Ces teintes sont, aujourd'hui encore, de vraies invitations aux voyages, gaies et colorées, loin des tristes couleurs des 203 et autres Aronde : rouge montijo, jaune bahamas, bleu hoggar, blanc réjane, ...

La couleur de la carrosserie mise au point, il faut aussi s'occuper de l'aménagement intérieur et assortir le ton de la peinture au choix du tissu. La difficulté consiste à reproduire en grande série les goûts d'un public nombreux et variés, réalisable tant du côté prix de revient que facilité de fabrication. En cela, elle s'adresse à de grandes maisons de tissage comme Placide Joliet ou Place-Lecaisne qui offrent à leurs tissus, esthétique, solidité et qualité. Elaborés en échantillons, ils sont ensuite reproduits en grande quantité par des maisons de tissage du Nord de la France.

C'est aussi Paule Marrot qui a dessiné le médaillon qui ornera le capot des Dauphine jusqu'à la fin de la production. Et c'est, grâce à cette grande dame, que le créateur de bijoux de Van Cleef et Arpels, Jacques Arpels, accepta de décorer la planche de bord de nos Dauphine.

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