1093 : La sportive !

Dauphine 1093 : brochure 1962L'histoire de ce modèle mythique commence en janvier 1960. La fédération internationale du sport automobile présente aux constructeurs la fameuse annexe J de la leur réglementation. Elle leur impose la production d'au moins 1000 exemplaires d'un modèle qu'ils souhaitent faire concourir dans la classe "véhicule de tourisme" et ce chaque année. Le service compétition de Renault , dirigé alors par François Landon décide de fabriquer une Dauphine Gordini survitaminée pour lutter à armes égales avec ses nouveaux concurrents. Il s'allie avec la société Autobleu pour établir les bases de ce nouveau projet.

 

Label2 Les bases

Le gouffre financier de l'exportation des Dauphine vers le marché américain impose de sévères restrictions dans tout les domaines. Francois Landon n'y échappe pas et doit composer son modèle compétition avec le minimum de frais possibles. Des impératifs financiers aussi au niveau de la vente de ces véhicules, il ne faut pas de prix trop élevé pour les vendre aux particuliers amateurs d'un peu de sportivité. La nouvelle réglementation impose la fabrication donc il n'est plus question de fournir des kits comme cela a été fait pour la 4CV 1063. Comme on peut le comprendre les choix du service compétition sont alors assez limités.

Comme nous l'avons vu plus haut , Landon s'associe avec Autobleu et non avec Amédée Gordini. Pourquoi ? On ne le sait pas. Ils partent donc d'une caisse de Dauphine Gordini export (sans doute USA) avec un capot gros phares. Le moteur 670-05 servira de base à sa préparation. Nous détaillerons tout cela plus loin dans cet article.

Une pré-série de 5 exemplaires est prête le 22 novembre 1961 et homologuée par la FIA. Les livraisons aux clients débuteront le mois suivant.

La voiture est donnée pour 143 km/h avec de franches accélérations.

La presse est enthousiaste mais déplore le fait que la 1093 n'ait pas de freins à disques. Le succès est au rendez vous malgré une communication quasi nulle au niveau du réseau Renault. 1650 exemplaires trouvent preneurs. En 1963 la R1093 est toujours là et suit les modifications de sa petit soeur, la Dauphine. A la fin du millésime 1963, 490 nouveaux exemplaires seront produits et vendus, ce qui porte le total de 1093 construites à 2140.

Il faut noter également que sur ce nombre de 1093 produites, 39 sont parties aux USA, 23 au Canada, 35 pour la Suède, 4 pour l'Uruguay. Pour les autres pays aucun décompte n'a été effectué. Aucune voiture n'a été exportée vers l'Argentine, par contre des kits étaient disponibles. La société Willys Overland a part contre , au Brésil, fabriqué 721 "1093" entre 1963 et 1965.

Label2 La carrosserie

Pour une voiture censée être sportive, la 1093, reprend en tout point la finition de la Dauphine. Nous allons détailler ici les quelques différences notables.

Tole_roueComme nous l'avons vu plus haut, le service compétition est parti d'une caisse de Dauphine export probablement type USA. Toutes les caisses ont la spécificité de disposer sous le panier de la roue de secours des attaches soudées pour la fixation du carter de protection (option "grand froid").  

TrappeCertaines caisses disposent de la bouche d'air chaud sous la banquette arrière dû au chauffage à double vitesse de l'option "grand froid".  

 

RenfortD'autres caisses ont l'équipement "mauvais routes" avec des renforts dans les longerons au niveau du train avant. 

 

 

Tole_reservoirEnfin toutes les 1093 disposent de la protection du réservoir , et d'un barre anti rapprochement spécifique (différente du modèle USA) empruntée aux modèles export "mauvaises routes".Barre

De couleur blanc réjane 305 pour le millésime 1962 elles deviendront en 1963 gris valois 617. Le tableau de bord et le volant suivent eux aussi l'évolution de la dauphine, ivoires en 1962, puis noirs en 1963.

Une 1093 c'est aussi une histoire de bandes bleues qui courent tout le long de la carrosserie. 2 bandes bleues de 25mm de large avec un espacement de 72mm entre chacune. Ces bandes auto adhésives armées, tissées et plastifiées étaient fabriquées par la société Barnier à Valence. A noter toutefois que ces bandes étaient livrées dans le coffre avant donc non posées. Libre à chaque acquéreur de les poser ou pas.

PharesEn 1962 l'aile avant droite et le capot arrière s'ornent d'un monogramme 1093, l'aile avant gauche de l'habituel monogramme italique Renault. Les monogrammes d'aile disparaîtront pour le millésime 1963, seul le monogramme de capot arrière restera. 

 

BaguettesLa 1093 a beau être une voiture de sport elle est équipée de baguettes latérales. Le modèle 1962 est identique au baguettes accessoires vendues par Saprar pour les Dauphine à compter de 1956 (10mm x 5mm). Le second modèle monté en 1963 se retrouve sur les Ondine apparues en 1961 (15mm x 8mm). Le pare brise et la lunette arrière sont habillés des joncs chromés des versions export et de l'Ondine. La baguette en aluminium sur la trappe de roue de secours était présente sur les modèles 1962 puis a disparu ensuite. Sur tous les millésimes les roues montés sont celles de l'Ondine avec l'enjoliveur en acier chromé. Les 1093 recevront les pare chocs simples sans les renforts USA, et donc les ferrures courtes.

 Label2 Intérieur

SellerieOn retrouve la sellerie complète de la dauphine, deux sièges à dossier fixe sans molette de réglage du dossier et une banquette arrière. Tissu pied de poule gris jaune noir, passepoil et skai marron. L'intérieur des passages de roues avant est par contre habillé de ce même skai, comme sur les Ondine. 

Les contre poignées intérieures sont gris-beige et du premier modèle sur les millésimes 1962. Les modèles 1963 sont extérieurement identiques mais le mécanisme est différent (2ème modèle).

Dans le coffre avant on retrouve un bocal plastique lave glace Transpar de marque STOP. Le gicleur se trouve devant le pare brise et la pompe manuelle sous le tableau de bord. Ces éléments proviennent de l'Ondine.

CompteurLe bloc compteur est identique à celui de la Dauphine, mais il est en 12V et le compteur Jaeger est gradué jusqu'à un optimiste 180 km/h. 

 

Compte_toursA la place du vide poche gauche, un compte tour de marque Jaeger est installé (AIGTA 082 350-02). Il fait 80mm de diamètre et se fixe sur une tôle recouvrant entièrement le vide poche (beige pour 1962 et noir ensuite) Il est maintenu par une patte métallique à l'arrière. Le câble de compte tour fait 3,70m et se branche sur l'allumeur spécifique à la 1093. Il passe dans une gaine de couleur grise. Les embouts sont identiques avec une douille de 16mm de diamètre, un carré sur plat de 3mm et une longueur d'emmanchement de 14mm.

Un rhéostat d'éclairage du tableau de bord à été monté sur les modèles 1963. Il se trouvait à gauche du compte tours près de la commande d'essuie glaces.

Label2 La mécanique

Comme nous l'avons vu le moteur qui a servi de base à la préparation est le 670-05. Mais en collaboration avec Autobleu, Renault Compétitions y a apporté certaines modifications. Il n'est pas possible à l'œil nu de distinguer un moteur de 1093 (670-05 spécial) sans ses accessoires d'un moteur de Gordini, les numéros de moteurs de la 1093 étant inclus dans ceux de la R1091.

Moteur

CulasseLa culasse est rabotée à la côte de 93,5mm (+/- 0,175mm) et le volume des chambres passe de 27,3cm3 à 25,76cm3. Les conduits d'admission sont plus grands. Les culasses sont identifiables par leur numéro AS 555 6491F ou W 2561231-81G/J (à noter que les culasses des premières R6 sont compatibles). Le joint de culasse quant à lui est plus mince 0,75mm (voir 0,65mm sur les Curty) au lieu de 1,20mm.

PistonsLes pistons bien que conservant leur diamètre de 58mm sont spécifiques. Ils sont bombés (diamètre du bossage de 38mm pour une épaisseur de 1,6mm) et 3 segments dont les segments coupe feu et étanchéité sont chromés. 

 

Arbre_camesL'arbre à cames est spécifique avec une modification de la phase d'admission (ouverture à 9° d'avance et fermeture avec 50° de retard). Modification de la levée des soupapes d'échappement (7,06 au lieu de 6,57). Ils sont reconnaissables à la lettre R frappé en bout d'arbre (côté poulie de pompe à eau) avec parfois en plus les chiffres 1093.

Les soupapes sont renforcées, diamètre de queue de 7mm. Diamètre 28,2mm pour l'admission, longueur 73mm, angle 45°. Pour l'échappement il y a eu 2 modèles. Le premier a un diamètre de queue de 6mm à 2 gorges de nitruration sur 15mm, angle 120°. Le deuxième , diamètre de queue de 7mm à une seule gorge et un angle de 90° (on utilise alors les mêmes clavettes coniques que pour l'admission). Elles sont équipées de doubles ressorts. Cette fois encore 2 modèles furent montés. Les rondelles d'appui sont spécifiques.

Les 3 pignons de distribution de la 1093 sont plus larges que sur la R1091. Le pignon de vilebrequin fait ainsi 21mm d'épaisseur (16 dents), 20mm pour celui de l'arbre à cames (32 dents) et le pignon céleron (31 dents). Le carter de distribution est celui des Dauphine 12V et plus tard des Dauphine normales (à compter de 1963). Il se repère par son ergot de réglage d'allumeur placé plus haut (à droite du bossage du pignon céleron).

L'ensemble des modifications permettent de tirer environ 55ch du moteur 670-05 spécial.

PipeLe collecteur d'échappement est un Autobleu Veloce II en tubes d'acier soudés. Diamètre extérieur 32mm et intérieur 29mm (2 goujons ont du être rajoutés aux extrémités de la culasse pour la fixation). Le joint de collecteur est également spécifique avec une épaisseur de 1,8mm. 

 

CarbuLa carburation est confiée à un Solex 32 PAIA - 3 double corps de fabrication italienne (issu de la Lancia Flavia 1,5L de 1960 à 1963 mais avec d'autres réglages). La tringlerie et les renvois, sont spécifiques à la 1093. Le starter est manuel avec une tirette entre les 2 sièges avant.

 

FiltreLe filtre à air est de type BTN 145 de marque Técalémit. La procédure de nettoyage du filtre est inscrit en tampographie dans une demi couronne de 120mm de diamètre (écriture en jaune).

Le pot d'échappement est identique aux autres versions de la Dauphine, seule sa fixation a été modifiée afin de s'emboîter sur la tubulure Autobleu.

La boite de vitesses est une 318-17 4 rapports avec 3 rapports synchronisés. Une boite 318-18 plus courte était aussi disponible (couple conique 7x33 pour un rapport de 4,71 à 1). L'embrayage est de type renforcé PKH 5/2 avec un disque d'épaisseur 7,4mm, butée graphitée.

La direction est celle de série (56-01), mais une direction directe pouvait être obtenue par le catalogue d'accessoires SAPRAR. Le train arrière est celui de la Dauphine aérostable mais avec des sangles de maintien plus courtes pour les trompettes (352 mm contre 377mm)

RessortsLes ressorts de suspension avant sont ceux dits du type "mauvaise route". Ils ont une spire de moins (flexibilité 40%, fils de 11,8mm de diamètre, longueur 280mm). A l'arrière des ressorts du même type sont montés, 1 spire de moins par rapport à la dauphine normale (flexibilité 24%, fils de 12,3mm de diamètre, 8 spires).

 

   

Barre_torsionLa barre de torsion avant est d'un diamètre de 12mm empruntée aux Dauphine premiers millésimes.

Le freinage des 1093 est identique à celui de sa sœur la dauphine de 1961 mis à part par la présence de tambours AV à 4 ailettes de refroidissement . Les cylindres de roues avant sont ceux de la Dauphine à 22mm (et non les 23,8mm des premières Dauphine Gordini). Contrairement à ce que rapportent certains ouvrages, la 1093 n'est jamais sortie d'usine avec des freins à disque en 1963. Toutefois les freins à disque de la R8 et de la 1094 ont été homologués pour les 1093 par la FIA le 04/11/63. Certains propriétaires ont donc pu changer librement les tambours par les freins à disque et continuer de concourir.

Boite_fusiblesLa 1093 était livrée de série en équipement 12V. Une boite à 2 fusibles (comme sur les USA) est montée sous le tableau de bord.

 

RegulateurLa dynamo (identique aux modèles USA) est une Bosch LJ/GG/12/2400 R14 ou LJ/GG/12/2400 AR14. Le régulateur est un Bosch RS/UA/240/1242.

Le démarreur 12V était un Ducellier type 6077B.

 

AllumeurLes allumeurs montés étaient des SEV (JP41CR) ou des Ducellier (4137A). Ils se caractérisent par leur prise pour le branchement du compte tour mécanique, ils n'ont pas de correcteur automatique d'avance à dépression.

Les bougies sont de type Marchal 34S ou AC34F. Les bobines sont de marque SEV type SIXIL.

Le radiateur est à faisceaux en cuivre avec un pas d'ailettes plus larges, il est emprunté aux Dauphine type "pays chauds".

Label2 De nos jours...

Beaucoup de 1093 qui réussirent à passer les années 70 ont été transformées pendant cette décennie en "protos" pour finalement disparaître à leur tour. Les amateurs d'automobile ancienne, à quelques rares exceptions, se sont alors désintéressés des 1093. Dans les années 80 et 90 ont pouvait encore trouver dans la presse spécialisée de nombreuses pièces spécifiques à vendre, à des prix qui de nos jours font rêver. Les modèles complets étaient eux déjà difficiles à trouver.

Je (Fifi) me souviens par exemple être passé des dizaines de fois pas très loin d'une épave de Dauphine rouge que je voyais dans le département 43. Je n'ai jamais trouvé le temps de m'arrêter pour voir s'il était possible d'acheter des pièces pour ma 1090. Grossière erreur, quelques années plus tard, j'ai revu une photo de cette Dauphine rouge, anodine, .... c'était en fait une 1093...

1093_43

 

Peu à peu, (on pourrait le situer au milieu des années 90 avec l'avènement d'internet et du site de Jef), les 1093 ont commencé à réapparaître , dont certaines engagées dans des rallyes historiques, tels que le Monté Carlo en 1997. Et puis sans que l'on sache pour quelle raison exactement, l'intérêt pour cette Dauphine sportive s'est fait de plus en plus croissant pour devenir un véhicule extrêmement recherché.

On estime qu'il doit exister de nos jours une centaine de survivantes dont près de la moitié en état de circuler ou en cours de restauration. Il existe sans doute encore, au fond de granges ou garages de belles et moins belles 1093, on en retrouve ainsi 1 ou 2 chaque année.

Mais il y a 1093 et 1093 ! On pourrait pour un esprit cartésien les différencier en catégories. D'abord, les vraies de vraies, quelques exemplaires parvenus jusqu'à nous dans leur état d'origine. Une seconde catégorie, proche de la première, qui comprendrait les 1093 restaurées en utilisant les pièces mécaniques et leur caisse d'origine ou de remplacement lorsque celle ci est trop corrodée. Enfin , une dernière catégorie, celles des 1093 reconstruites de A à Z, à partir d'une carte grise, en utilisant une caisse de simple Dauphine, et des pièces plus ou moins d'origine , achetées à droite et à gauche. De nos jours, la marché ne fait pas la différence entre ces trois catégories. Il faut espérer que cela change un jour.

Quant au prix ? Les transactions se fond de particuliers à particuliers , de façon quasi confidentielle, les prix débutent à 15 000 euros mais pour quelle catégorie de 1093 ? La qualité de la restauration, le soucis de les restaurer au plus proche de l'origine tout en respectant l'histoire de la voiture devraient être des facteurs à prendre en compte dans la détermination du prix.

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